Des verres de terre sur un vase de terre. Vermisseaux rigolos qui trinquent et dansent sur la tranche d’un bateau. Anniversaire ? Pot de départ ? Ou mention au Bac ? Vu l’âge de la vaisselle, impossible de connaître la véritable raison de cette fête, ni l’origine du bateau. Mais on ne va pas s’empêcher quelques hypothèses, histoire de tourner un peu autour du pot.
Première hypothèse pour entrer en matière : il doit s’agir d’un pot de terre mutant prochainement en pot de fer. A cette époque, le néolithique fait ses valises pleines d’os et de caillasses fatigués. Il laisse sa place au cuivre qui sera suivi de près par le bronze. Dans cet entre-deux « bling bling » (où cuivre et bronze se regardent en chien de faïence), trône cette céramique : art du feu de la terre, rougie par la richesse essentielle de Chypre : son cuivre. Par ici, le défilé des matières démarre tout juste. En attendant le fer, plastique et numérique…
Mais descendons un instant du podium des matières pour imaginer une autre hypothèse tout aussi solide. Cette oeuvre ne représente-t-elle pas le coup de pot d’un équipage qui trinque, trop heureux d’être arrivé à bon port? A cette époque, la méditerranée est déjà traversée par de nombreux marins qui maîtrisent plus ou moins les mers. Mais qui sont-ils? Des phéniciens ? Des grecs mycéniens ? Des crétois minoens ? Des égyptiens égyptiens ? Difficile d’attribuer ce profil de frite Haribo. Pas sûr que ce soit des phéniciens finalement. L’île n’est qu’à 200 bornes des côtes du Levant… inutile de se noyer dans une ivresse auto satisfaite alors qu’on a encore pied. Mince, c’est l’impasse…
Mais qu’importe, je perds sévère dans mes hypothèses. Ces super frites sont peut-être réunies pour un pot de boulot? A force d’accueillir des marchands venus du monde entier pour échanger leur camelote, les chypriotes ont développé un sacré sens de l’hospitalité. Avec leur cuivre, ils fanfaronnent pour obtenir de leurs voisins or,argent et obsidienne… Certains de ces voisins-marchands resteront sur l’île trop convaincante. Sardine, harak, soleil, plage et coconuts : difficile de ne pas faire un dernier plouf.
Mais en ouvrant vraiment les yeux, on découvre le pot aux roses. On en tombe les violons et ukulélé. En fait, il ne s’agit que d’un petit bateau qui n’a jamais navigué. Une icône naïve d’une concorde entre les peuples, passée de mode. Depuis 2000 BC, il y a eu pas mal de chamboulements : grec, byzantin, franc, vénitien, ottoman, puis… britannique. C’est moins sexy. Exotisme piétiné par les sandales de Benny Hill débarquant en short-sandales sur une plage de sables fins : « So Chypre! ». Les derniers chamboulements remueront turcs et grecs. Pas vraiment bras-dessus bras-dessous. Depuis les 70’s, une ligne verte découpe la capitale « Nicosie » pour séparer les grecs des turcs. (« Nicosie », ça sonne comme un nom de french président cassé et trop vite rafistolé… Tel « Jacrac » ou « Valétaing » ?)
Cette ligne verte ressemble au mur de Berlin à l’orientale, rideau de cuivre oxydé dévoilant sa politique de pots cassés. Mais doit-on pour autant faire une croix sur un futur gros apéro entre les peuples ? L’histoire se façonne comme de la glaise. Lorsqu’on la chauffe, elle devient fragile et se casse… Mais si on calme un peu la pression, de belles couleurs se précipitent non ? De quoi rester « pot »imiste d’ici la semaine prochaine !
Louvre Ravioli
Modèle de bateau occupé par des personnages
Bronze Moyen (2000 – 1600 avant J.-C.)
Sully, Rez-de-chaussée, Levant, salle A.
Ne tournons pas autour du pot : c’est un régal de vous lire !! Mais qui êtes-vous ? De quelle planète culture provenez-vous ?