Le MuCEM, c’est la Méditerranée contenue dans un maître-cube. Un maître-cube recouvert par une paroi en verre et une dentelle de béton. Entre les deux enveloppes, une rampe entoure doucement la structure d’où l’on voit la Méditerranée, la mer au milieu des terres qui vient ici s’inviter sur terre. On se promène là-dedans comme un poisson dans l’eau. Tout suggère la Méditerranée et son histoire, jusque dans le nom de l’édifice : le J4. Ancien hangar n°4 du Port de la Joliette, baptisé ainsi en l’honneur de Jules César venu camper avec ses troupes par ici. Avec le Fort Saint-Jean juste à côté, le site semble imprégné par le militaire. Pourtant, le J4 est tout sauf une citadelle. Ses passerelles ouvrent sur la terre et ses broderies ouvrent sur la mer. Son architecte a inventé une couleur : le bleu ouvert.
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Un entier tout naturel ?
De loin, le J4 ressemble à un volume hyper simple dessiné par des arêtes de 72 mètres. Ca fait un sacré poisson. En mathématiques, on appelle ça un carré parfait car il est composé d’entiers naturels : « 1,2,3,4 » etc. Pas de virgule, pas de décimale, même pas mal au crâne. On lit un peu partout que Ricciotti a conçu ce volume « sous la surveillance de Pythagore ». Pythagore ? Et pourquoi pas Euclyde, Thalès, Villani ou Platini ? Et bien c’est Pythagore parce que chez ce mathématicien-philosophe, la nature doit s’expliquer avec les entiers naturels positifs. 
Le vieux barbu – en toge blanche et sandalettes face à la Méditerranée – n’envisageait que des nombres constructibles à la règle et au compas, avec des droites et des cercles. Exit les cônes, les spirales et autre tournicotis… Idem pour Ricciotti qui a façonné un volume hyper simple. Mais est-il vraiment si simple ? En se rapprochant du cube, le niveau de complexité de la structure se précise. On comprend assez vite que des ingénieurs ont demandé à Pythagore de regarder ailleurs, le temps de lancer leurs algos avec tout plein de chiffres après la virgule.
Une structure brodée dans le béton
Toute la broderie du J4 est conçue dans un béton fibré, inventé pour l’occasion. Grâce à une technologie de pointe, très pointue même, le béton est ciselé et assemblé à la perfection. Face à ce nouveau béton, la Méditerranée qui s’y connaît en la matière, ne doit pas être franchement surprise. Vers le Ier siècle, elle a déjà vu les romains améliorer la composition du mortier égyptien – argile, sable et chaux – pour fabriquer leurs ports. A l’époque, ils cherchaient une matière qui puisse prendre dans l’eau. Sécher dans l’eau ? La mince affaire. C’était mission impossible jusqu’au jour où un gars s’est plu à ajouter des cendres volcaniques dans la recette… Pour le J4, il est difficile de savoir comment les ingénieurs en sont venus à mélanger de la silice et de la fibre pour composer leur dentelle. Toujours est-il qu’ils ont inventé une matière nouvelle, comprimée et inflexible, un béton qui ne durcit peut-être pas dans la mer mais qui donne l’impression de voler dans les airs.
La mer, la favorite du harem
Sur les rampes du J4 flotte comme un parfum d’orient. Les arabesques dessinées dans le béton laissent filtrer une lumière qui répète les reflets du soleil sur les flots. De façon très mer à mer, on pourrait aussi comparer ça aux mailles d’un filet de pêche. Pour atteindre le toit, il faut faire plusieurs fois le tour du cube, telle une Tour de Babel new-age, avec terrasse et Ricard au sommet. Pendant la ballade, on scrute la mer comme un sultan regarderait son harem planqué derrière un moucharabié. D’ailleurs, je me suis toujours imaginé l’enturbanné pas malheureux, avec un sourire en coin, observant ses femmes batailler ferme pour savoir qui finira sous sa couette. Mais bon, rien de tel par ici. La Méditerranée est l’unique favorite de Marseille. Tout est calme, il n’y a plus de bataille sur le J4. J4 ? On dirait pourtant une annonce à la bataille navale. Une sorte de Touché Coulé dans une version originale. Car lorsqu’on entend « J4 », on sait que l’on va être à la fois très « Touché » et « Dans l’eau ».
Louvre-Ravioli
Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée
Rudy Ricciotti associé à Roland Carta
2013